mercredi 25 mars 2015

LA n°5: Le Face to Face



Corniche Kennedy est un roman contemporain écrit par la célèbre Mayliss de Kerangal et publié en 2008. Ayant reçu plusieurs prix littéraires, MDK n’hésite pas à réactualiser le réalisme littéraire dans une œuvre relatant la vie d’un groupe d’adolescents de Marseille en difficultés. Ceux-là se rejoignent sur la Corniche Kennedy, observés par le commissaire Opéra puis traqués par les forces de police. Dans cet extrait, le narrateur se livre à une description du troisième promontoire et du célèbre saut que les jeunes nomment le Face To Face. C’est avec dynamisme et réalisme que le narrateur nous immerge dans le groupe de jeunes. Mais que nous apprend le plongeon du Face To Face sur les personnages de CK ? Si le lecteur est d’abord plongé avec réalisme au cœur du groupe pour mieux le connaître, il découvre par la suite la dimension symbolique de ce moment.


Ce texte nous plonge en effet  avec réalisme au cœur du groupe d’adolescents grâce à la description, au discours et au point de vue singulièrement travaillés.
Tout d’abord, le lecteur se retrouve face à une description précise du troisième promontoire, annoncée et accentuée par la première phrase à tournure impersonnelle « il existe un troisième promontoire ». Le présent d’énonciation et les références au lieu soulignent une narration réaliste. Le narrateur nous transmet alors une série d’informations. Celui-là est « situé à douze mètres », il est « exigu », « sur le versant oriental », « par vent d’est », c’est « la pointe du Cap » au-dessus des « flots déchiquetés ». Alors le décor est posé grâce à une série de détails qui nous permet aisément de nous imaginer, voire de se projeter, sur le troisième promontoire qui prend forme, là où le Face To Face peut commencer.
En effet, ce saut est important pour les jeunes adolescents. Le narrateur n’hésite pas à le souligner en décrivant chacune des étapes du grand plongeon.     _____________________________________________________ « seuls deux pieds peuvent s’y tenir », « le départ est crucial […] aucun faux mouvement », « après le saut il faut s’avoir s’extirper du ressac », « ils défilent […] Eddy régule le flot ». On remarque que le premier paragraphe nous décrit le rituel : le moment qui précède le départ, le départ lui-même, le moment suit le plongeon. Après quoi le deuxième paragraphe revient sur un saut bien particulier pour nous en montrer l’organisation. La série de verbes utilisés nous fait vivre ces moments au même rythme que les jeunes : « se marrent », « extirper », « grimper », « hurler ».
Dès lors, le texte est rythmé et dynamique. Le lecteur suit la course de ses adolescents, le point de vue omniscient le plonge dans le groupe. => « Tout le monde le sait », « ils l’appellent », « rigolent-ils », « Pour eux le Face To Face est le promontoire des duels », « c’est la même crue qui les traverse » => _________________________ nous permet de comprendre ce que pense le groupe, les sensations et ressentis _________________________________________________________________________________________________________________________________________________________.
Enfin, l’attention peut être portée au discours, le lecteur a l’impression d’entendre les jeunes adolescents, d’être présent avec eux, de vivre ce moment.  => Eddy fait « signe au plongeur suivant qui trépigne hé, j’y vais, pousse-toi, c’est à moi »  => Le discours rapporté utilisé est indéterminé, le narrateur raconte puis les jeunes prennent la parole mais rien ne nous l’indique (aucun verbe introducteur…) => L’écriture suit le principe du micro au cinéma, nous saisissons les différentes voix qui se succèdent  L’écriture nous fait entendre les jeunes, nous fait vivre l’action
=> « SPIDER-MAAAAN ! ZIDANE REVIEEEEEENS ! » =>  _Les majuscules et la répétition de lettres marquent la manière dont les adolescents crient. Les messages font référence à leurs centres d’intérêt, le football dans cet exemple.
=> « primo », « deuxio », « tertio », « frimeur », « le truc », « merde »  => Le langage utilisé est celui des jeunes : familier, parfois vulgaire.
                Dès lors que le lecteur est plongé au cœur du groupe d’adolescents, pour vivre l’action de manière intense à leur rythme, il en comprend toute la signification.





                Effectivement, le plongeon symbolise finalement la manière dont ils vivent le monde.
Pour commencer, nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’un rituel d’appartenance au groupe. => « ils l’appellent », « rigolent-ils », « ils y montent tous pourtant »=>_______________________________________ _________groupe singulatif, le pronom personnel de troisième personne est systématiquement utilisé pour marquer l’action exercée en groupe, à plusieurs. Ce groupe agit comme un seul et unique personnage______________________________________.
Toutefois, il marque également le plaisir du risque, la quête de danger, la recherche de sensations fortes pour se sentir en vie => « face à la mort », « c’est la grande crue qui les traverse », « flots déchiquetés », « il faut s’extirper », « hurler » =>__________________________________________________________________________ _______________vocabulaire de la violence, sensations fortes marquées, métaphore de cette sensation « la grande crue »_____________________________________________ _________________________________________________________________________________________.
Finalement, à travers ce plongeon, ils vivent et affrontent le monde, qui devient, pour eux, un véritable  terrain de jeu. => « on y est face au monde, face à soi, face à la mort », « celui du grand jeu » => ________________ _______________rythme ternaire accentuant trois questions existentielles auxquelles fait écho le saut – « face à »//marque bien l’affrontement – c’est le « grand jeu »___________________________________ ______________________.
On se souvient de la citation « on danse comme des seigneurs ». Celle-là prend tout son sens ici. Sauter, c’est finalement se sentir héros : c’est un moyen pour eux de braver leur rang, de montrer ce qu’ils valent au monde en dehors de toute réalité sociale, ils sont des seigneurs. => « promontoire des duels où cogne le soleil des westerns », « l’envol », « vent de merde, brutal et glacé », « le versant oriental du Cap », « vents d’est », « la zone de réception » =>_______________________La réalité paraît être décrite selon leur point de vue et elle semble être transformée par l’impression qu’ils ont d’être dans un film. Ils deviennent des héros affrontant la violence de la nature et la concurrence_____________________________.

               
 Pour conclure, MDK se livre à une description réaliste des jeunes adolescents sur le troisième promontoire de la Corniche Kennedy. C’est grâce à une écriture judicieusement travaillée qu’elle parvient à nous faire vivre l’action, nous faire entendre les jeunes, nous faire sentir leurs sensations durant le saut. Le lecteur comprend alors qu’il ne s’agit pas que d’un plongeon mais d’une révélation. C’est la sensibilité des jeunes qui est ici révélée, une sensibilité au monde essentielle. Malgré leurs difficultés, les personnages de CK ne débordent pas d’ambition comme le personnage réaliste, Julien Sorel par exemple, ils ne manifestent pas leurs souffrances d’une manière exacerbée comme le personnage romantique, Oberman par exemple. Ils affrontent le monde en le vivant, simplement.

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