mercredi 25 mars 2015

LA n°6: L'homme qui rit, Victor Hugo



==> Victor Hugo représente dans ce texte un véritable monstre.

Ce texte met en avant l’extrême laideur de Gwynplaine devenant hyperbolique.
-          Difformité du visage de Gwynplaine, défiguration : dès les premières lignes, le narrateur nous présente un visage dont les composantes se brouillent « une bouche s'ouvrant jusqu'aux oreilles, des oreilles se repliant jusque sur les yeux, un nez informe » (l2-3)
-          Difformité extrême qui nécessite des comparaisons pour que le lecteur puisse se le représenter : « Deux yeux pareils à des jours de souffrance, un hiatus pour bouche, une protubérance camuse avec deux trous qui étaient les narines, pour face un écrasement » (l.6-7)
-          Cette laideur est l’œuvre d’une violence monstrueuse, celle d’un chirurgien criminel : l 17-23 => énumération de participes passés marquant la déformation et même la destructions (préfixes de-), de noms référant aux différentes parties du visage (opposition entre l’homme et le monstre), termes scientifiques, extrait long et technique marquant le réel travail prémédité et acharné de destruction et la difformité en résultant.

Le personnage devient clownesque, sa laideur fait rire : dualité.
-          La naissance d’un monstre : « et de cette sculpture puissante et profonde était sorti ce masque, Gwynplaine » (A-t-il été créé dans le but d’être montré ? « Ne fût-ce que dans un but d'exhibition »).  Le monstre est celui qui est montré, regardé : « G était saltimbanque, il se faisait voir en public. Pas d’effet comparable au sien, Il guérissait les hypocondries rien qu’en se montrant. » (l.29-30)
-          Le monstre fait rire (opposition, oxymore) « un visage qu’on ne pouvait pas regarder sans rire » (l. 3-4).
-          L’effet suscité (le rire) est poussé à l’extrême puisque le monstre, l’homme détruit, peut guérir (paradoxe). La monstruosité devient thérapeutique : « On voyait Gwynplaine, on se tenait les côtés ; il parlait, on se roulait à terre. Il était le pôle opposé du chagrin », « Spleen était à un bout, et Gwynplaine à l’autre » (G = allégorie du rire dans le dernier exemple), « Il guérissait les hypocondries rien qu'en se montrant. Il était à éviter pour des gens en deuil, confus et forcés, s'ils l'apercevaient, de rire indécemment ».

Gwynplaine, une œuvre d’art.
-          « La nature ne produit pas toute seule de tels chefs- d’œuvre » (l.8, adjectif), « Gwynplaine était admirablement réussi » (l.26, adverbe), « de cette sculpture puissante et profonde était sorti ce masque, Gwynplaine. » (l.24) => champ lexical de l’art
-          Mais on sent un ton ironique, antiphrases
-          Toutefois, l’écrivain fait ressortir ce qui est beau du laid, il transforme le laid en beau : le monstre est un chef-d’œuvre. Gwynplaine est au début assimilé à une merveille de la nature  « La nature avait été prodigue de ses bienfaits envers Gwynplaine. » (l.1) puis le narrateur nie cette possibilité « Mais était-ce la nature ? […] il est certain que la nature ne produit pas toute seule de tels chefs-d’œuvre ». => le monstre est donc une création, création née de la destruction (nouvel oxymore)
-           Cette création artistique est aussi celle d’un poète, Victor Hugo, cherchant à créer l’emblème, l’image, l’allégorie de l’homme. Il sublime le monstre en inversant les valeurs : ce qui est détruit est finalement créé, ce qui représente l’horreur fait rire (« homme horrible »), ce qui est laid devient beau, ce qui est comique est tragique.



== > Gwynplaine, un bouffon tragique.

Cet homme rit malgré lui. Le lecteur découvre avant tout le désespoir d’un saltimbanque qui fait rire (antithèse).
-          Opposition entre l’apparence (homme qui rit//sourire taillé) et le ressenti de G : « C’est en riant que G. faisait rire. Et pourtant il ne riait pas. . Sa face riait, sa pensée non.» (tension mise en avant par la répétition du verbe rire pour signifier le désespoir. Le « hiatus » l.6, et « béant » l.23 ne sont qu’apparence, on note d’ailleurs que des périphrases sont utilisées à la place de sourire.
-          « L’homme qui rit » est le surnom de G, surnom tragique auquel il faudrait rajouter malgré lui : dernière phrase « L'espèce de visage inouï que le hasard ou une industrie bizarrement spéciale lui avait façonné, riait tout seul. Gwynplaine ne s'en mêlait pas » (séparation masque/sentiments)


G à l’image de l’homme : esthétique hugolienne de la dualité, du mélange des valeurs et registres pour montrer la nature humaine. L’homme n’est pas par définition tragique ou comique. Il oscille entre le rire et la mort, entre le sublime et le grotesque.
-          Oppositions bourreau, personnes en deuil et rire suscité => indécent.
-          Rire pour fuir le tragique, mystère de l’homme et de la vie : « Gwynplaine était un don fait par la providence à la tristesse des hommes. Par quelle providence? Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? Nous posons la question sans la résoudre » (présent de vérité générale, parallélisme, opposition et antithèse mettant en avant la dualité, interrogations directes).
-          Ironie : la cruauté vient de la main des hommes + le monstre est la projection des fantasmes de son créateur, G est l’image d’Hugo lui-même (saltimbanque=figure de l’artiste, du poète incompris, seul). Allégorie romantique de l’artiste qui se sacrifie pour les autres.

== > Une réflexion sur la monstruosité

-          Interrogations du narrateur qui dépasse la fiction et donc, de l’artiste à l’écrivain : « Seulement le rire est-il synonyme de joie ? » l.9. « L’homme ne peut rien sur sa beauté, mais peut tout sur sa laideur » l.12-13 « Y a-t-il une providence Démon comme il y a une providence Dieu ? » l.27-28 => présent de vérité générale, questions oratoires, maxime => réflexion métaphysique.
-          La question de Dieu et du mal : l’existence de Dieu est remise en question car la cruauté des chirurgiens et le don de l’artiste dépassent la Nature, dite parfaite puisque création de Dieu. 
La conjonction, la convergence : le bien et le mal se retrouve en Gwynplaine, tout comme l’art et la nature. Il devient la figure emblématique de l’art, du bien et du mal et de l’homme (pourvu de dualités).

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